MICHEL CAPPOEN
sculpture
LA MATIÈRE ET L'ESPRIT
Tous ceux qui ont vécu dans un milieu de tailleurs de pierre
ou de carriers vous le diront : la pierre a une âme, la pierre
a des états d'âme ! J'ai connu des maîtres de carrière
qui étaient vraiment doués d'un sixième sens pour
délimiter le bloc convenant à un sculpteur « parce
que la pierre l'avait dit ».
Michel Cappoen, né dans un jardin de tailleur de
pierre, élevé dans la fréquentation quotidienne
et respectueuse de cette matière, ne pouvait y échapper.
De Uccle (aux confins de Bruxelles) où il vit le jour en 1950,
il prit un jour son envol. Il a répondu à une sorte d'appel,
comme on suit une vocation. Entré à la célèbre école
des Arts et Métiers pour apprendre les techniques de la soudure,
il comprend très vite que sa voie réelle était
lithique.. Il fréquente alors un institut technique, puis pour
parfaire sa formation, il entre à l'Ecole de taille de pierre
de Saint-Servais (Namur). Il obtient alors son accès à la
profession de tailleur de pierre. Les stages se suivent qui, du Beffroi
de Mons au Pont Romain de Montignies Saint-Christophe, vont le conduire
sur une voie très proche de celle des Compagnons du Tour de
France.
Piégé par sa passion, Michel Cappoen n'attrape pas la « maladie
de la pierre », non, il est tout simplement obsédé par
elle, par ce qu'elle lui inspire.
Tailler, ciseler ou tout simplement boucharder pour un effet plus rude
deviennent alors son langage quotidien, son hymne à la vie qu'il
enseignera plus tard avec passion dans son atelier. Son inspiration
est, d'abord, une véritable « inspiration première »,
le sculpteur représente la femme et principalement le torse
qui est montré dans toute la force d'une jeunesse synonyme de
promesse, de tendresse et de sensualité pure et saine. Il est
très loin de la vague de sexualité (souvent trafiquée)
qui règne sur l'art des années 1980/90.
Parallèlement au travail des bustes naît en lui le désir
de retrouver la voie très stricte de rites, de choses non écrites
qui dorment dans les strates du temps et révèlent d'anciennes
sagesses un peu oubliées en ces temps de réalisation
immédiate et de progrès sans états d'âmes.
Ainsi une série voit le jour qui renouvelle l'apport mystérieux
de nos ancêtres, une série de pierres trouées que
les chercheurs découvrent sur tous les continents et qui fleurissent
presque à même le sol en pays celtique.
Ces sortes de meules trouées, symboles solaires évidents,
ne sont-elles pas aussi des signes de résurrection ? Il est
possible que l'impétrant (comme dans les confréries,
les sociétés secrètes ou les congrégations)
ait eu à passer (physiquement ou spirituellement) par le trou
de cette roue pour accéder à une autre vie, au chemin
lumineux qui se trouve au-delà. Ainsi l'art lithique de Michel
Cappoen quitte un chemin de terre pour un chemin de ciel et de méditation
profonde. Cette technique de réflexion sur soi que notre siècle
oublie, se pratique dans le bouddhisme zen, face au mur... N'est ce
pas un retour aux origines de l'homme seul, qui se retrouve face à la
pierre laquelle était là, de toute éternité.
AnitaNARDON Critique d'art A.I.C.A. 2008-09-17